En quoi saint François d’Assise était-il écolo ?

Saint François d'Assise écolo
Statue de Saint François de l’Atelier de Bethléem

En quoi saint François d’Assise était-il écolo ? Ces dernières années, la prise de conscience des enjeux écologiques s’est accélérée, dans la société comme dans l’Eglise. Dans le même temps, une figure chrétienne âgée de plus de huit siècles a été remise sur le devant de la scène. Son nom ? Saint François d’Assise. Un nom qui à lui seul fleure bon la nature et les oiseaux. Mais pourquoi François d’Assise est-il autant associé à l’écologie ?

Nous sommes le 13 mars 2013. Un jour crucial pour le cardinal Jorge Mario Bergoglio ; celui où il devient le 266e pape de l’Eglise catholique. Nouveauté : il choisit le nom de François, en référence à l’illustre François d’Assise. La raison ? « Saint François nous enseigne le respect profond de toute la Création et de la protection de notre environnement que trop souvent, même si cela est parfois pour le bien, nous exploitons avec avidité, au détriment d’autrui ».

Deux ans plus tard, le nouvel évêque de Rome signera une encyclique sur l’écologie qui multiplie les références au saint d’Assise. Toutefois, François est loin d’être le premier pape a avoir établi un parallèle entre le Poverello et l’écologie. Six mois à peine après que Karol Wojtyla soit devenu le pape Jean Paul II, en 1978, il avait déclaré François d’Assise “patron céleste des tenants de l’écologie”. Mais comment François d’Assise en est-il venu à mériter ce titre ?

La sobriété heureuse

Huit siècles avant que Pierre Rabhi ne popularise le concept de “sobriété heureuse”, nul doute que François d’Assise la vivait déjà ! Bien sur, il serait anachronique de voir dans la pauvreté du saint d’Assise une volonté de préserver les ressources naturelles, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Cependant, il y a indéniablement chez François une dynamique de sobriété vis à vis des biens de ce monde. L’épisode qui l’illustre le mieux est sans nul doute celui de son dépouillement en place d’Assise. C’est là que François retira symboliquement ses vêtements et les rendit à son père. Il fit alors le choix de la pauvreté radicale.

Pourtant fils de riche commerçant, François refuse de limiter la création à un vivier de ressources à exploiter par l’Homme. L’émerveillement du saint italien consiste plutôt à apprécier la création ; pour elle-même, et en tant qu’elle est un reflet de son Créateur. Un Créateur qui est aussi un Père, à l’origine d’une véritable famille…

La fraternité universelle

Au début de la Bible, Dieu dit à Adam et Eve : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn 1 ,28). Dans l’histoire du christianisme, les mauvaises interprétations de cette injonction divine se sont bousculées au portillon. En effet, certains chrétiens ont déployé un certain zèle à interpréter littéralement l’invitation à soumettre et dominer la nature. A rebours de cette tendance, Saint François a, lui, redécouvert la place de l’Homme au cœur de la création, plutôt qu’en surplomb.

Au fond, pour François, toutes les créatures étant issues d’un même Père, elles participent d’une même fraternité universelle. Cette dernière prend donc sa source dans le constat que les êtres vivants proviennent d’un même Créateur. Par conséquent, François n’hésite pas à appeler “frères” et “sœurs” les végétaux comme les animaux. Selon lui, le rôle de l’Homme est moins celui d’une maitre dominateur, que d’un jardinier, un gardien de la création…  Devant les merveilles de celle-ci, l’homme se doit de faire preuve d’humilité. Cette vertu, centrale pour François, explique d’ailleurs que ses frères seront appelés les frères mineurs.

Une écologie concrète

L’écologie de saint François, c’était moins une théologie spéculative qu’un mode de vie bien concret. Ainsi, par exemple, saint François demandait toujours à ses disciples de laisser une partie de leur jardin potager non cultivé.  Le Poverello avait en effet à cœur que les plantes et les fleurs aient des espaces où pousser librement dans les jardins. Une anecdote raconte aussi que quand François marchait, il prenait soin d’enlever de sa route les vers de terre, afin de ne pas les écraser. De la même manière, il proposait aux frères de ramasser les branches mortes et d’éviter de couper celles qui étaient vivantes. communément

Des petites histoires qu’on appelle communément Les Fioretti (de petites fleurs), qui, si elles ne sont pas authentiquement certifiées  par de pointilleux historiens, demeurent hautement vraisemblables. Finalement, à une période où la chose était peu évidente, le saint d’Assise redonnait une dignité et une place de choix aux créatures méprisées. D’ailleurs, non content de protéger plantes et animaux, le saint d’Assise entrait même en relation avec eux…

Annoncer l’Evangile à toute la création

Un jour, François aperçut des oiseaux dans un champ. Aussitôt, il courut vers eux et leur dit :”Que le Seigneur vous donne la paix ! Mes frères les oiseaux, vous avez bien sujet de louer votre Créateur et de l’aimer. Il vous a donné des ailes. A vous, l’espace, le ciel et la liberté.” Les oiseaux semblaient l’écouter attentivement, et même répondre joyeusement à son invitation à la louange. Puis François les bénit et les invita à s’envoler. Outre cette histoire, de multiples témoignages rapportent que François aimait prêcher aux oiseaux, aux poissons, et même aux loups ! Dans un épisode célèbre, François aurait même réussi à persuader l’effroyable loup de Gubbio de renoncer à ses sinistres méfaits.

Pour François, les animaux, les plantes et les pierres sont de véritables partenaires de dialogue… Cela peut nous sembler naïf voire romantique. Cependant, il y a en cela une grande signification théologique et même quelque chose de prophétique. Par son exemple, François rappelle l’invitation faite par le Christ à prêcher l’Evangile non seulement à l’humanité mais à toute la création. « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création.” (Mc 16, 15) Au fond, cela signifie que d’une certaine manière, la création participe de la rédemption de l’humanité. Les autres créatures, dans leur dignité et leur ordre propre, bénéficieront aussi de ce salut acquis en Christ. Mouais… “Ca sonne quand même pas très chrétien tout ca”, pensent sans doute certains…

Une écologie tournée vers Dieu

Que les plus orthodoxes d’entre nous se rassurent. Il faut bien comprendre que l’écologie de François est loin de prôner une divinisation de la nature, comme cela lui a parfois été reproché. L’attitude de louange du saint d’Assise illustre à quel point ce dernier considère la création comme étant profondément reliée à son créateur. L’écologie franciscaine est donc résolument théocentrée. Pour François, tout vient du Père, par le Fils, dans l’Esprit…

A l’inverse, aujourd’hui, de façon anachronique, certains aimeraient voir en François un précurseur d’un animalisme antispéciste qui nierait toute différence entre l’Homme et l’animal. Or, saint François a bien conscience de l’amour particulier de Dieu pour l’Homme, et de la destinée particulière de ce dernier au milieu de la Création… Cependant, cela ne doit jamais être un prétexte à la domination violente de la nature. Toutefois, la question mérite d’être posée : et l’Homme dans tout ca ?

Une écologie humaine

Avant même le pape François, on trouve chez son illustre homonyme l’idée que “tout est lié”. L’écologie du saint d’Assise, c’est toute une vision harmonieuse du monde dans laquelle chacun a sa place : le végétal, l’animal, l’Homme et Dieu. Ainsi, saint François se fait proche de toute la création ; les animaux comme les autres hommes, et en particulier les plus isolés. En témoigne cet épisode où François, sortant de la ville d’Assise, aperçoit un lépreux. Après un temps d’hésitation, il descend de son cheval et décide de l’embrasser et le prendre dans ses bras.

Alors qu’il vit lui-même la pauvreté radicale, François se fait proche des plus pauvres, des démunis, des exclus de toutes sortes (pauvres, enfants, lépreux…) Inlassablement, il recherche la fraternité avec tous, le riche comme le pauvre. Lorsqu’il part annoncer l’Evangile au sultan Al-Malik al-Kamil, dans un objectif d’évangélisation assumé, il vit également cette rencontre dans un esprit de fraternité… Sans cesse, François manifeste par sa vie l’importance de la paix et du dialogue, le refus de la violence et des relations de pouvoir. Un message d’une grande actualité !

Le cantique des créatures

Pour terminer, comment écrire un article sur François d’Assise sans évoquer son fameux cantique des créatures, appelé aussi cantique de frère soleil. Celui-ci a d’ailleurs été remis sur le devant de la scène par la célèbre encyclique Laudato Si du pape François. En effet, les premiers mots de l’encyclique sont aussi les premiers de ce poème de louange de François : « Loué sois-tu, mon Seigneur ».

Cependant, saviez-vous que François était presqu’aveugle lorsqu’il composa ce magnifique cantique ? En effet, nous sommes en 1225. François est alors très malade et sent la mort arriver. Ses yeux étant très abimés, la lumière du jour lui est alors insupportable. Il est donc enfermé dans une cabane. Toutefois, cela ne l’empêche pas de louer Dieu pour le soleil et la création qu’il ne peut pourtant plus voir. Ce cantique des créatures résume toute la pensée de François. Le message d’une fraternité vécue harmonieusement avec toute la création ; elle-même provenant d’un Dieu plein de bonté.

“Loué soit Dieu, mon Seigneur, à cause de toutes les créatures, et singulièrement pour notre frère messire le soleil (…).

Alors Saint François était-il vraiment écolo ? Je vous laisse en juger !

Publié le : 17/09/2022