Quelle est l’origine des santons ?

Quelle est donc l’origine des santons ? Vous savez, les santons : ces petits personnages colorés qui peuplent nos crèches à l’approche de Noel… Même si vous habitez Lille, Rennes, Paris ou Strasbourg, nul doute que vous en avez déjà aperçus.

Apparus dans le sud de la France il y a plus de deux siècles, les santons représentent la scène de la nativité chrétienne, mais aussi des vieux métiers et personnages ancrés dans la tradition provençale. Il s’agit d’un étonnant cocktail mêlant religion, tradition et culture locale. Les Provençaux, mais plus généralement les Français, qu’ils soient grenouilles de bénitier ou bouffeurs de curé, y demeurent profondément attachés. Mais comment donc ces petits santons en sont-ils venus à envahir nos crèches ? Pour le savoir, plongeons dans une histoire où se croisent saint François d’Assise, la Révolution Française ou encore des Provençaux aux pieds boueux…

Saint François d’Assise, saint patron des santonniers

Peut-être avez-vous déjà entendu dire que Saint François d’Assise était le père fondateur des santons. Au fond, ce ne serait pas si étonnant : n’est-il pas le saint patron de la noble profession de santonnier ? Cependant, nous allons voir que la réalité est un peu plus complexe… Mais avant que nous revenions à nos santons, il nous faut faire un petit détour par les crèches vivantes. Apparues au Moyen Age, celles-ci consistaient à représenter la naissance de Jésus dans des crèches grandeur nature. Les rôles de Jésus, Joseph, Marie, les bergers, ou les rois mages étaient joués par des habitants des villages dans lesquels elles s’établissaient. De vrais animaux étaient même sollicités !

Cette tradition de la crèche vivante a été popularisée par saint François d’Assise, qui a grandement participé à son développement. En effet, François a été à l’origine d’une crèche vivante bien connue. Celle-ci a pris place en 1223 dans une grotte à proximité du village de Greccio, en Italie. D’après la légende, il s’agirait même de la première crèche vivante. Pourtant, il semble que des reconstitutions des mystères de la nativité étaient déjà jouées bien avant François. En effet, quelques siècles plus tôt, les crèches vivantes prospéraient déjà devant les parvis de certaines églises d’Italie du sud, au moment de la fête de Noel. Ce serait d’ailleurs précisément à Naples que François d’Assise, témoin d’une de ces crèches, aurait décidé de s’en inspirer ! Mais quel est donc le rapport entre ces crèches italiennes et l’origine de nos santons de Provence ?

Du santibelli italien au santon de Provence

D’après la tradition, ce fut durant son séjour à Naples que François d’Assise aurait eu l’idée brillante de fabriquer les figurines de la nativité avec de la farine, de l’eau et du sel. Ainsi seraient nés les “santibelli“, les santons italiens. En réalité, ce n’est que progressivement que les acteurs des crèches vivantes ont été assez remplacés par des personnages élaborés en divers matériaux : plâtre, bois, cire, carton pâte, faïence… C’est au 16e s seulement qu’apparurent dans les églises des crèches semblables à celles que nous connaissons, avec des personnages en cire. Quant aux petites figurines colorées, les fameux santibelli italiens, ils ne feront leur apparition qu’au 18e s.

A cette époque, en effet, des frères franciscaines venus d’Italie introduisirent les crèches en Provence. Celles-ci prirent alors un essor considérable, se démarquant petit à petit des réalisations napolitaines. Dans le même temps, des colporteurs italiens commencèrent à vendre des santibelli en bois, en plâtre ou en cire, dans les rues de Marseille. Au risque de nous attirer les foudres de la communauté provençale, nous devons malheureusement confesser que les Provençaux n’ont pas plus été à l’origine de l’idée des santons que saint François d’Assise. Mais qu’en est-il de l’origine des véritables santons de Provence ?

Le santon, arme de résistance à la Révolution Française

L’évènement qui fonda véritablement la tradition des santons de Provence ne fut autre que la Révolution Française. En effet, la politique révolutionnaire anticléricale entraina la fermeture des églises et la suppression des messes (parmi lesquelles celle de minuit). Le dommage collatéral fut le suivant : plus de crèche de Noel ! C’en fut trop pour les Provençaux, dont il fallait compter avec la légendaire ferveur religieuse. Privés de leur crèche de Noel à l’église, ils entrèrent en résistance en créant leurs propres crèches à domicile ! Sachant que celles-ci étaient interdites, les familles provençales confectionnèrent celles-ci en modèle réduit.

Ensuite, afin d’égayer ces crèches, les rebelles de Provence réalisèrent de petits personnages facilement dissimulables. Ainsi naquirent les “santoun“, qui signifie “petits saints” en provençal. Ce sont donc ces petites figurines colorées qui ont permis de garder vivace la tradition de Noël dans les maisons provençales. A l’origine, ces santons primitifs étaient confectionnés en mie de pain, voire en papier mâché. Cependant, petit à petit, l’argile rouge de Provence provenant des gisements de Marseille ou  d’Aubagne, deviendra le matériau caractéristique qui fera le succès des santons.

L’origine des santons de Provence

Toutefois, il nous faut rendre à César ce qui appartient à César. C’est à Jean Louis Lagnel (1764-1822) que revient la paternité de l’authentique santon de Provence en argile. En effet, c’est à Marseille, entre les mains expertes de ce peintre faïencier et sculpteur que naquit le premier santon de Provence authentique. A cette époque, les santons étaient élaborés principalement en argile crue, puis reproduits par moulage ; ils demeuraient assez fragiles. L’histoire raconte qu’en 1798, alors que Jean Louis Lagnel se promenait dans la campagne à proximité d’Aubagne, de l’argile humide se colla à ses chaussures. Il tenta alors de s’en débarrasser avec ses mains, et s’aperçut alors que cette terre se travaillait très bien. C’est alors qu’il fabriqua une petite crèche, agrémentée de santons en argile, qu’il vendit aussitôt.

Victime de son succès, Jean Louis Lagnel se lança dans une véritable entreprise de confection de santons.  Il mit au point un procédé de fabrication relativement peu couteux, à partir de l’argile cuite ; selon une méthode qui s’est imposée par la suite, et ce jusqu’à aujourd’hui. Cette technique d’élaboration des santons fut adoptée par de nombreux artisans et permis un développement important de cet artisanat. Le métier de santonnier était né. En 1808, Jean-Louis Schlegel exposa pour la première fois ses créations à la Foire aux santons de Marseille. Pendant ce temps, les santons de Provence continuaient à se diffuser largement. Ils rivalisèrent même avec les santibelli italiens réalisés en plâtre, vendus par des marchands napolitains autour du Vieux-Port.

Un savoir-faire qui se perpétue

A l’origine, les petits personnages d’argile représentaient la vie d’un village provençal du 18e/19es, dans ses multiples acteurs et métiers traditionnels. Les santonniers avaient véritablement fait naitre de l’argile tout un microcosme d’habitants de la Provence d’il y a deux siècles. Avec le temps, de nouveaux métiers et personnages s’ajouteront au cortège des santons pèlerins se rendant à la crèche. Ainsi, les santonniers se transmettent de génération en génération les savoir faire enracinés dans le 18e s, tout en actualisant sans cesse leur collection. Il y a donc dans l’art du santon un mélange étonnant de tradition profonde et de grande créativité.

L’art du santon, un patrimoine protégé

Aujourd’hui encore, les villes de Marseille et d’Aubagne restent les capitales de l’art santonnier de Provence. Chaque année, on peut y trouver des foires annuelles visant à promouvoir le noble art du santon. Le métier de santonnier a principalement essaimé dans les Bouches du Rhone, mais également dans le Vaucluse, le Var, les Alpes de Haute Provence et les Alpes Maritimes. Il y aurait aujourd’hui plus d’une centaine d’ateliers de fabrications de santons répartis entre Aubagne, Aix-en-Provence et Marseille.

Le métier de santonnier, quant à lui, fait partie intégrante de la vie provençale et de son économie. Cependant, si les santons restent bien ancrés dans la tradition provençale, ils sont reconnus et appréciés bien au delà. En 2021, le savoir-faire des santonniers de Provence a même été inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France. D’ailleurs, à l’approche de Noel, ce n’est pas seulement la Provence mais toute la France qui accoure faire l’acquisition de santons… Chez Sources Vives Monastica par exemple !

Publié le : 17/09/2022