Marcher, un chemin spirituel ?

L’été approche. Voilà que les rayons de soleil, le ciel bleu et le chant des oiseaux réveillent en votre âme l’appel de la marche.  Vous venez de dévorer “le petit livre de la marche” de Gaële de la Brosse ainsi que le film “Sur les chemins noirs”, de Denis Imbert. Vous n’avez qu’une envie : prendre la route !

Il est fort dangereux Frodon de sortir de chez soi. On prend la route et si on ne regarde pas où l’on met les pieds on ne sait pas jusque où cela peut nous mener.” (Bilbon, le Seigneur des Anneaux)

Mais au fait, pourquoi marcher ?

La Bible, ca marche !

Le saviez-vous ? Si l’on combine les termes “chemin”, “route”, “sentier”, “voie”, il y a plus de 800 occurrences liées à la marche dans la Bible ! Dans les Ecritures, le thème de la marche est en effet omniprésent, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Très tôt, dans trois des quatre Evangiles (Matthieu, Luc, Jean), nous trouvons d’ailleurs une citation du prophète Isaïe 40, 3, relative au thème du chemin. “Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.” (Mt 3, 3)

Il est certain que dans les anciennes civilisations qui peuplent la Bible, l’avion et le train n’existent pas ; alors effectivement, on marche beaucoup ! Probablement 40 à 60 km par jour, en moyenne. Dès lors, la marche biblique a avant tout un sens bien matériel. Cependant, très souvent, dans la Bible, le sens matériel et concret appelle un sens plus spirituel. Ainsi, quand Jésus appelle quelqu’un à le suivre, c’est certes une invitation à l’accompagner, géographiquement pourrait-on dire. Cependant, nous comprenons bien qu’il y a dans le fait de suivre Jésus une dimension plus existentielle…

Quel est le sens de la marche dans la Bible ? 

Dans la Bible, la route est avant tout le lieu de la rencontre. Rencontre avec les autres bien sur (souvenons-nous d’Abraham rencontrant Melchisédech), mais aussi avec soi-même. Encore aujourd’hui, beaucoup de marcheurs, pèlerins de Saint Jacques de Compostelle notamment, expliquent le besoin de marcher par un désir de “se recentrer”, se “retrouver”. En cela, le chemin est donc à la fois un lieu d’introspection et de décentrement. La marche est aussi révélation ; de soi, des autres… et de Dieu !

En effet, c’est souvent en route que l’on rencontre Dieu ; lequel nous appelle d’ailleurs à marcher à ses cotés. “Lorsque Abram eut atteint quatre-vingt-dix-neuf ans, le Seigneur lui apparut et lui dit : « Je suis le Dieu-Puissant ; marche en ma présence et sois parfait.” (Gn 17, 1) Notons également que dans la Bible, la marche est souvent associée à la notion de désert, lieu de purification et de conversion. Dans les premiers siècles du christianisme, c’est d’ailleurs au désert que les Pères étancheront leur soif de radicalité évangélique, quittant les villes pour rechercher Dieu dans les lieux reculés.

En marche vers où ? 

Aujourd’hui, les thèmes de la route et de la marche sont à le mode.  Marcher évoque le mouvement, la progression, les possibilités : la vie, au fond. N’est-ce pas lorsque l’on arrête de pédaler que l’on tombe ? Pendant que des hommes politiques nous invitent à nous mettre “en marche”, le chemin synodal, aujourd’hui vécu dans l’Eglise, invite les chrétiens à “marcher ensemble”…  Cependant, dans quelle direction marcher ? La question mérite d’être posée, car la Bible ne fait pas toujours l’éloge de la marche pour la marche. En effet, comme le disaient les Inconnus s’agissant du “bon chasseur” et du “mauvais chasseur” ; il existe une tension entre le bon et le mauvais chemin.

Sans cesse, la Bible distingue les bons et les mauvais chemins ; les chemins de vie, et les chemins de mort. “Ainsi parle le Seigneur : Voici que je mets devant vous le chemin de la vie et le chemin de la mort.” (Jr 21, 8) D’après le prophète Isaïe, il est ainsi possible de “marcher dans les ténèbres“… (Is 9, 2). Emprunter un mauvais chemin, c’est risquer une vie d’errance, comme celle de Cain. “Tu seras un errant, un vagabond sur la terre.” (Gn 4, 12) Pensons également aux hébreux, errant 40 ans au désert… Il semble donc que l’Evangile ne s’apparente pas à une marche au hasard…

Jésus, vrai chemin 

Encore aujourd’hui, la vie chrétienne sur terre est souvent évoquée comme étant une marche, un pèlerinage. Mais un pèlerinage vers ou ? Le paradis bien sur, la vie éternelle ! Tout comme les hébreux marchant au désert, nous cheminons effectivement vers notre Terre Promise, le Royaume des Cieux. La marche hébraïque au désert devient ainsi le pèlerinage terrestre du chrétien. Comme les hébreux, nous nous nous préparons à intégrer un paradis, non pas terrestre mais céleste. En effet, ce paradis consiste avant tout à vivre éternellement dans la présence et l’amour de Dieu lui-même.

Fondamentalement, le bon chemin, le chemin de vie, est donc celui qui est orienté vers Dieu. “Oui, tous les peuples marchent, chacun au nom de son dieu. Mais nous, nous marchons au nom du Seigneur, notre Dieu, pour toujours et à jamais.” (Mi 4, 5) Pour autant, Dieu n’est pas seulement la destination, il est aussi le chemin lui-même ! C’est pourquoi, en définitive, le bon chemin, l’unique chemin, est celui balisé par le Christ. C’est lui, qui a vocation à être notre GPS tout au long de notre vie sur terre. “Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.” (Jn 14, 6) Il est intéressant de remarquer que les premiers disciples de Jésus étaient appelés “ceux de la voie”.  

Un chemin exigeant… et beau ! 

Dans la vie chrétienne, il y a toujours un risque de trop “s’installer”, et ainsi, de faire du sur place. C’est aussi un danger d’autosuffisance, celui de croire que nous serions déjà arrivé à notre but et ce par nos propres forces. La marche nous rappelle donc que nous sommes en mouvement permanent vers Dieu, tendus vers son Royaume, et que c’est d’abord Lui qui nous appelle et nous attire à Lui.  Tout comme les disciples d’Emmaüs, il s’agit donc pour nous de cheminer, avec le Christ à nos cotés. Alors, petit à petit, nos yeux s’ouvriront. “Heureux ceux qui trouvent leur force en toi : ils trouvent dans leur cœur des chemins tout tracés. Lorsqu’ils traversent la vallée des pleurs, ils la transforment en un lieu plein de sources, et la pluie la couvre aussi de bénédictions.” (Ps 84.5-7.)

Notre cheminement avec Dieu pourra parfois nous apparaitre comme une belle route de campagne ensoleillée. A d’autres moments, nous aurons l’impression de nous embourber sur un chemin jonché de pierres et de ronces. En ces instants de doutes et de souffrances, ne rebroussons pas chemin, laissons plutôt le Christ lui-même nous porter. “Ceux qui comptent sur l’Éternel renouvellent leur force. Ils prennent leur envol comme les aigles. Ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer.” (Is 40.29-31.) Certes, le chemin chrétien peut sembler plus exigeant que bien d’autres, cependant, si la montagne est plus périlleuse à escalader, la vue sur la vallée n’en sera que plus belle, une fois parvenus au sommet ! 

Publié le : 26/05/2023