Pourquoi les moines travaillent-ils ?

Les moines travaillent, c’est un fait. Nul besoin d’écumer les monastères et les abbayes de France pour le constater. Il suffit de se rendre à la boutique d’artisanat monastique de votre quartier (chez nous par exemple) ! Mais au fond, pourquoi les moines confectionnent-ils ces fameux produits monastiques ? Si on y réfléchit bien, leur job n’est-il pas d’abord de prier ?

Aujourd’hui, on le sait, moines  et moniales travaillent dans des domaines d’activités divers et variés : agroalimentaire, cosmétique, artisanat,… Parmi les articles monastiques emblématiques, il y a bien sur les produits alimentaires comme la bière, le fromage, la confiture, etc,.. Cependant, de plus en plus, les produits cosmétiques ou « d’hygiène » (crèmes, savons, huiles essentielles, etc.), font le bonheur du grand public. Le label “monastic” a même été créé pour certifier que l’essentiel de la production a bien été effectué par des moines, des vrais moines de monastères ! En effet, ceux-ci ont coutume d’élaborer différents produits, en fonction de leurs talents et des spécialités des abbayes auxquels ils sont rattachés… Mais depuis quand, et surtout pourquoi les moines travaillent-ils ?

Depuis quand les moines travaillent-ils ?

Suivant l’antique règle de Saint Benoit “ora et labora”, “prie et travail”, les moines travaillent de leurs mains depuis la nuit des temps. Plus précisément, depuis que Benoit de Nursie, père fondateur du monachisme occidental, établit sa fameuse règle au VIe siècle. Dans celle-ci, saint Benoit accorde une place d’honneur au travail : « Ils sont vraiment moines lorsqu’ils vivent du travail de leurs mains, comme nos pères et les apôtres », écrit-il. Ainsi, il est demandé aux moines d’assurer leur propre subsistance. « Tu te nourriras du travail de tes mains, Heureux es-tu ! À toi le bonheur ! » (Ps 127,2).

Tous les moines travaillent-ils ?

Les différentes communautés dites monastiques, ou contemplatives, qui aujourd’hui encore se basent sur la règle de Saint Benoit, appliquent toujours cette consigne, bien que différemment en fonction des circonstances de temps et de lieux. En revanche, les communautés apostoliques, que sont les dominicains ou les franciscains (ordres mendiants) ne sont pas tenus par cette règle et vivent essentiellement de dons. Ainsi, dès le Moyen Age, moines et moniales se sont attelés à l’artisanat afin de répondre aux besoins des abbayes. En effet, les revenus générés par le travail monastique permettent d’assurer le bon fonctionnement de la vie en communauté. « Assure au-dehors ton travail, mène-le à bien dans ton champ ; ensuite, tu construiras ta maison. »(Pr 24,27)

Le travail, une manière de participer à l’œuvre du Créateur

Fondamentalement, au lieu d’être une corvée qui occupe la majeure partie de nos journées, le travail est une façon de participer à la création ! Bien sur, Dieu est l’unique créateur de toute chose. Cependant, dans sa bonté, il aime donner à l’Homme la grâce de participer à son action, en l’associant à son œuvre de création. « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde. » (Gn 2,15). Ainsi, Dieu laisse à l’Homme la responsabilité de cultiver la terre, d’en prendre soin afin qu’elle donne du fruit. Alors, lorsque vous êtes dans votre voiture ou dans le métro, pour vous vous rendre sur votre lieu de travail, encore baillant en cette heure matinale, dites-vous que vous allez collaborer à l’œuvre de création divine !

Le travail, une nécessité pour un développement humain harmonieux

Saint Benoit était un grand spirituel mais aussi un homme très concret. Selon lui, il n’était pas bon qu’un homme, fut-il moine, reste oisif et désœuvré. Ne dit-on pas que l’oisiveté est mère de tous les vices ? Pour saint Benoit, le travail participe au développement intégral de ses moines. En effet, le religieux est celui qui a les yeux tourné vers le Ciel mais les deux pieds bien ancrés dans la terre ! Le travail, manuel en particulier, aide donc le moine à rester ancré dans le réel.

C’est pourquoi, la journée monastique est basée sur un savant équilibre entre des temps de prière, d’étude, de méditation, et des temps consacrés au labeur. Selon Benoit, le travail, tout comme la liturgie, est accompli pour lui-même, indépendant de sa fécondité visible ou de ses résultats. Le moine s’investit soigneusement, avec attention, dans son œuvre. Ainsi, il est pleinement présent au monde, à la création, à Dieu.« Ayez à cœur de vivre calmement, de vous occuper chacun de vos propres affaires et de travailler de vos mains comme nous vous l’avons ordonné. »
(1 Th 4,11)

Le travail, une participation à l’œuvre de salut

Savez-vous d’où vient le mot “travail” ? Probablement du latin “trepalium” qui évoque un instrument de torture. Pas très joyeux, me direz-vous ! Certes, il y a dans le travail une part d’épanouissement, de contribution joyeuse à l’œuvre de Dieu. Il s’agit de mettre nos dons et nos talents, ce que nous avons de meilleur, au service du royaume de Dieu. Cependant, il y a aussi dans le travail une part d’effort, de labeur. “Tu travailleras à la sueur de ton front”, annonça Dieu à Adam. En tant que fils d’Adam, le moine n’y échappe pas. Il est ainsi appelé à associer la peine de son labeur à l’œuvre de salut du Christ. Au fond, c’est une bonne nouvelle ! Il n’est pas une peine, une souffrance, un sacrifice, que nous ne puissions rendre fécond en l’offrant à Dieu pour sa gloire et le salut du monde.

Le travail, une manière de servir Dieu et les hommes

Selon saint Benoit, le travail est d’abord voulu pour lui-même, sans objectif de rentabilité. Cependant, il est aussi un moyen, non seulement de rencontrer Dieu mais aussi de servir les hommes. Outre la subsistance de la communauté, les fruits du travail doivent également profiter aux nécessiteux. Ainsi, beaucoup d’abbayes et monastères soutiennent des œuvres de solidarité et d’entraide, en particulier au service des plus pauvres. Cette attitude de service est vécue également dans l’élaboration même des produits. En effet, moines et moniales ont à cœur de s’investir avec application et amour dans les produits qu’ils confectionnent. Sans oublier une bonne dose de prière pour les futurs acheteurs ! « Quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur et non pour plaire à des hommes : vous savez bien qu’en retour vous recevrez du Seigneur votre héritage. C’est le Christ, le Seigneur, que vous servez. » (Col 3, 23.24)

Publié le : 20/08/2022